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Dépêche toi !

Travail
Joute classique
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Armakan

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Cheesegeek

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Manche 1
Armakan

Caroline souriait pendant que ses doigts caquetaient sur le clavier de son ordinateur. Les lignes de codes s’enchaînaient dans une farandole haletante sur l’écran. Derrière elle, debout, boudiné dans son costume, le gros sac suait de peur. Au fond du command-space de l’armée américaine, une ribambelle de généraux aux décorations rutilantes déglutissaient d’angoisse.

Le Président posa sa main sur l’épaule de la jeune femme et d’un ton paternaliste tenta de l’encourager.

— Nous sommes avec vous, le monde est avec vous…

— Dégage ta sale patte de là !

Il la retira confus.

— Et va rejoindre ta bande de pères Noël ! Je veux du silence, sinon, je n’arriverai jamais à faire revenir votre fusée atomique qui joue les filles de l’air et qui va péter la planète.

Caroline pouffa discrètement.

Cheesegeek

LLe général McDermoot avait envie de préciser que ce n’était pas une « fusée », mais un « drone portant une charge granitique tactique », mais il sentait que ce public ne serait pas sensible à cet éclairage, il s’éloigna pour adresser au colonel Forester, un assez peu conventionnel :

- « Vous embauchez des divas ? Parce qu’à plusieurs milliers de dollars le programme, on se retrouve obligés de prier pour que votre développeuse sur le retour découvre le bug en moins de 40 minutes ! »

Forester marqua le coup… Puis le rouge lui monta aux joues et McDermoot se rappela, tardivement, cette leçon apprise sur le front « Faut pas énerver l’adversaire avant l’assaut »… Forester revint une couleur normale et lâcha, glacial :

- « Je suis sûr que s’il y a un demain… et une enquête parlementaire, on trouvera le nom du responsable qui a brillamment proposé de débarquer tous nos “fossiles” pour prendre des jeunes geeks ambitieux, sous-traités via un management moderne… Ce qui a permis, avec les économies réalisées, de payer à prix d’or une agence de comm’ pour fourguer un joli logo, le slogan “Peace thunder” et au final le projet au pentagone. “Curieusement” la start-up ambitieuse a sous-traité le moteur inertiel à un conglomérat indien et à un développeur “intouchable”, qui à cette heure, doit dormir du sommeil du juste… Alors qu’un drone fonce sur lui parce qu’il a mis ses coordonnées “juste” pour les tests… J’aurais aimé vous fournir des développeurs, là je dois trouver des pompiers ! »

Manche 2
Armakan

Caroline hurla :

— Je l’ai ! Quel bâtard !

La tripotée de galonnés se précipita, laissant sur place le Président qui les bouscula pour se mettre au centre. Caroline sentait leurs souffles chauds dans son cou. Elle se retourna furieuse.

— On recule ! Pas besoin d’avoir des bourrins avec leurs naseaux crachant leurs haleines fétides dans mon dos.

L’armée en déroute bâtit en retraite. Le Président réajusta sa cravate.

— Mademoiselle, l’heure est grave. Qu’avez-vous trouvé ?

— La signature de l’hacker.

— Et ?

Caroline se pencha pour observer les généraux.

— C’est qui le chef des sapins de Noël.

Le Général Mc Dermot fit un pas en avant, contenant sa rage de réduire en bouillie cette traînée qui ne cessait de les humilier.

— Je le connais votre hacker, c’est un pote. Et vous l’avez embauché il y a un an à votre service de cybersécurité militaire puis l’avez viré comme une merde. Tout ça parce qu’il se défonçait. Franchement c’est pas cool. C’est un crack ce gars-là ! La preuve, il vous la met profond. Heureusement votre princesse est un génie et va l’écraser.

Elle ricana. Le Président rougit de colère. Mac Dermot ferma le poing, réussit à desserrer sa mâchoire pour siffler comme un serpent.

— C’est quoi son nom ?

— Armando Akzopen !


Cheesegeek

«  Armando, donc… » murmura McDermoot en se penchant vers son aide de la NSA.

— « Et ce n’est pas non plus un bug ? » continua McDermoot en regardant fixement Forester :

-  « Disons que si vous montez une centrale nucléaire avec des élastiques et du scotch vous aurez en gros ce genre de trucs… » affirma Caroline.

-  « Alors Armando, un gros malin lui, a juste ajouté un peu d’instabilité pour être sûr que le truc finirait par tomber et ça… ça ne loupe jamais ! »

McDermoot se détourna de Forester qui souriait de nouveau et se retourna vers Caroline…

– Vous pouvez désactiver la charge

– Déjà fait

– Bon… Ha bien… Et bien, renvoyez le drone sur ces coordonnées GPS.

– C’est quoi ?

– Armando veut mettre des pierres dans mon jardin… Je lui en envoie une dans le sien… à un ou deux mètres près.

Manche 3
Armakan

Caroline fronça les sourcils.

 — C’est mon pote quand même. Il a déconné, certes, mais ça ne vaut pas la mort. En plus c’est dégoûtant, il est obèse et si le missile lui pète dessus, j’vous dis pas les voisins ! Ils en auront partout ! Beurk !

 Le général Mc Dermoot blêmit. Dix ans dans les forces spéciales, trois guerres à son actif, commandant des armées lors de la dernière et cette salope qui lui court joyeusement sur le dard au point qu’il va lui briser la nuque. Pressentant l’incident, le Président s’interposa.

 — Mademoiselle, mademoiselle, bravo pour avoir découvert le problème. Réglons-le maintenant. Pouvez-vous ramener ce missile vers notre base ?

 — Fastoche ! Mais à une condition.

 L’assemblée tressaillit, sentant le coup fourré.

 — Tout le monde à poil avec son slip sur la tête !

Cheesegeek

La salle devint en un éclair extrêmement silencieuse et attentive… Tous les regards se fixèrent sur le président dont on attendait le premier geste.

Les plus habitués, eux, feignaient la décontraction, alors qu’au fond d’eux-mêmes, ils espéraient une fois de plus voir celui-ci exploser et se livrer à son numéro bien connu de « diva » offensée.

Tous les spectateurs de la scène furent donc soulagés quand ils entendirent résonner les premières notes de « You can leave your hat on ! ». Le président simula avec beaucoup de conviction l’indignation, puis dans ce qui paraissait être un mouvement de colère incontrôlé, il jeta sa veste et se mit à… chanter.

C’était le grand numéro ! Celui qui avait fait la gloire de ces spectacles interlopes autour de Broadway… Voilà bientôt trente ans que Gilles (prononcé Gaïls par des Américains peu francophiles) dirigeait des shows burlesques avec effeuillage obligatoire dans des parodies de l’actualité qui lui avaient valu les foudres de la censure et l’admiration de quelques critiques névrotiques.

Celui-ci était d’ailleurs en coulisse souriant dans sa célèbre combinaison jaune, caressant ces deux chatons Bienveillance et Sénèque, sûr du succès que ne manquerait pas de causer ce nouveau numéro et de la colère prévisible du vrai McDermoot.

L’érotomane braillard comme le surnommait la presse puritaine ne savait pas encore ce qui le menaçait !

Manche 4
Armakan

Oliver assistait au spectacle depuis sa première représentation, soit deux cent cinquante-six fois ! Il était presque devenu, non seulement, une sorte de mascotte pour la troupe de théâtre, mais, connaissant la spectacle aussi bien que ses acteurs, bénéficiait d’un privilège unique : monter sur scène après s’être déshabillé et se précipiter vers le général Mc Dermoot pour se jeter dans ses bras, quéquette à l’air. Il faisait partie intégrante du show et les spectateurs attendaient aussi ce moment magique.

Oliver ne dérogea pas à la règle ce soir-là, ôta ses vêtements en moins de cinq secondes, nu, fier de ses petites fesses dures, de son ventre plat, fruit d’en entraînement quotidien à la natation et protégeant son modeste colosse de ses mains aux doigts fins, il courut vers le général. Mais un truc génial ou affreux selon les goûts se passa à la plus grande surprise de toutes et tous…

Cheesegeek

Oliver eut en effet une pensée parasite, son regard croisa son ventre et il fut légèrement troublé de le trouver si convexe.... Pensée parasite, qui fit qu’il ne vit pas que Bienveillance, lâchant son maître, s’était aventuré sur la scène.

Il ne le vit pas, non, mais il le sentit quand son pied l’écrasa sans ménagement....

Le public, amateur de Grand-Guignol entra en transe pendant que Gilles virait au blanc titubant et s’accrochant au levier du rideau, qui chut sur Sénèque qui s’était précipité vers son malheureux collègue, le coupant en deux…

Gilles n’entendait même plus les comédiens continuant à chanter, attendant que le rideau remonte. Désespéré, il décida de finir magistralement sur scène comme un Molière de bazar, et de se suicider en se jetant dans la fosse d’orchestre… C’est en volant, tel une balle de tennis, désirant être « lifté » par un violoncelle, qu’il se rappela qu’il n’y avait plus d’orchestre depuis qu’il avait fait installé des fauteuils XXL dans la fosse.

Il s’étala, tel un jaune d’œuf sur l’immense robe blanche de la colossale Ulricha, alors que son siège gémissant rendait les armes…

C’est au moment où le régisseur se décidait, enfin, à éteindre les lumières, qu’il entendit ces derniers mots, alors qu’une main majestueuse s’acharnait à labourer son crâne…

« - Ach, Gaïls, mein petit schwein, che vais te consoler… »

Dépêche toi !